Quand une banque a manqué a son obligation de vigilance, une victime d’arnaque peut l’attaquer en responsabilité et obtenir un remboursement partiel des sommes perdues. Warning Trading et Nicolas Gaiardo ont demandé à Maître Goce Novakov d’expliquer ce recours.
Nicolas Gaiardo: Expliquez-nous comment fonctionne cette obligation de vigilance?
Goce Novakov: en France, l’obligation de vigilance pour un service bancaire est prévue à l’article 1231-1 cciv. Cela signifie que des clients qui ont viré des fonds via leur banque peuvent considérer que si leur banque avait fait son travail, ils auraient eu une chance de ne pas perdre leur argent. Cette « perte de chance », c’est l’expression utilisée par les tribunaux pour dédommager les clients lésés de cette manière. Mais dédommager cette perte de chance, ce n’est pas dédommager l’ensemble de l’argent perdu. Les juges doivent évaluer approximativement ce que représente cette perte de chance qui représente généralement un pourcentage de la somme perdue, généralement aux alentours de 50% ou plus si l’attitude de la banque est vraiment très problématique.
Nicolas Gaiardo: Comment les banques se défendent-elles ?
Goce Novakov: les banques plaident systématiquement le principe de non-ingérence dans les affaires de ses clients. Il est vrai que ce principe que l’on appelle également non-immixtion, existe dans le service bancaire. Mais il a ses limites et pas seulement dans ce domaine. Les banques doivent par exemple dénoncer les mouvement financiers qui ressemblent à du blanchiment d’argent ou du financement du terrorisme. Un virement vers des escroqueries manifestes est un autre cas.
Nicolas Gaiardo: est-ce que les tribunaux condamnent facilement les banques?
Goce Novakov: les tribunaux décident au cas par cas. Il regardent très concrètement le comportement de la banque et le comportement de la victime au moment du transfert de fond. Est-ce que le virement ordonné était inhabituel par son montant ou son objet? Le client a-t-il ordonné le virement en agence? Est-ce que la société destinataire des fonds était répertoriée sur une liste noire de l’AMF? Le client est-il totalement profane ou au contraire un professionnel de la finance? Est-ce que le virement est ordonné vers un compte bancaire en France ou à l’étranger? La victime a-t-elle demandé conseil à son conseiller bancaire? La fraude était-elle manifeste et évidente pour un professionnel ? C’est en prenant en considération tous ces éléments que le juge évaluera concrètement si la banque a manqué ou pas à son devoir de vigilance. Dans les décisions de justice, les affaires de trading et de faux broker en ligne sont très fréquentes.
Nicolas Gaiardo: est-ce que l’on peut espérer faire condamner une banque pour n’importe quelle escroquerie ?
Goce Novakov: tout à fait. Il n’y a aucune limite à la possibilité de mettre en cause la responsabilité d’une banque compte tenu du service proposé par l’escroquerie. Dans la majorité des dossiers que mon cabinet défend, il s’agit d’affaire de trading impliquant un broker en ligne et une victime ayant perdu son argent et qui n’est pas un professionnel. Il suffit d’aller sur Warning Trading pour comprendre l’ampleur prise par l’escroquerie au trading…
Nicolas Gaiardo: est-ce que l’on ne pourrait pas également mettre en cause la responsabilité des GAFAM pour défaut de vigilance?
Goce Novakov: vous avez raison, c’est une piste très prometteuse et qu’il faut absolument explorer. Les clients victimes d’arnaques sont massivement recrutées sur internet et particulièrement sur les réseaux sociaux. Internet est une aubaine pour les escroqueries parce que c’est une jungle pratiquement pas régulée ou pratiquement tout le monde peut donner son avis. Du coup, les arnaqueurs ont investi les avis pour tromper les internautes et les orienter vers des sites d’arnaque en ligne. Sans Google, Facebook ou Instagram, les escrocs ne pourraient pas trouver de victimes. Donc la question se pose: quelles sont les obligations d’une société d’internet comme un GAFAM pour prévenir le recrutement de victimes? Si une telle société n’en fait pas assez pour prévenir les arnaques, peut-on engager sa responsabilité comme celle des banques sont engagées ? Evidemment une telle société a des obligations en la matière. C’est exactement le même problème que pour les fake news ou l’accès des jeunes au porno. Il faut mettre en cause les GAFAM. Éventuellement, il faut modifier la loi pour renforcer leur responsabilité, comme pour l’obligation de vigilance des banques. Le jour où des clients victimes d’un broker en ligne feront condamner une société d’internet à rembourser une partie de leur argent perdu dans le trading pour défaut de vigilance, je suis convaincu que du jour au lendemain, les GAFAM feront vraiment leur travail de prévention pour protéger ces clients victimes et le travail des arnaqueurs serait tout de suite bien plus compliqué, car ils ont construit une véritable industrie du faux avis via la multiplication de sites et blog de fausses informations.